Il y a deux ans, le duo de Sophie s’est lancé dans une aventure un peu folle : celle de permettre à tout le monde d’adopter des abeilles. Un projet atypique que j’ai voulu butiner de plus près…
Sophie et Sophie, les deux fondatrices de Battements d’Elles partagent avec moi une petite fascination et surtout, un grand respect pour les abeilles, ce petit insecte que j’ai choisi comme mascotte de ma collection « L’apicultrice » !
Pour moi, l’abeille symbolise le Vivant, et la grande ronde que nous formons tous sur cette Terre. Et puis, elles rassemblent leur force pour prendre soin de notre planète ! Alors quand j’ai entendu parler du projet Battement d’Elles, je me suis sentie pousser des ailes : les Sophie se sont données comme mission d’installer des ruches artisanales en bois, magnifiées à coups de pinceau, chez des particuliers ou en entreprises, de les entretenir régulièrement et d’en extraire le miel. Une jolie façon de contribuer à la sauvegarde des abeilles, dont la pollinisation est essentielle pour la survie de nombreuses espèces… dont les humains. Selon Greenpeace, 75 % de la production mondiale de nourriture dépend aujourd’hui de la pollinisation. Rencontre avec les reines de ce projet.
Pourquoi vous êtes-vous lancée dans cette aventure?
« Sophie et moi sommes depuis longtemps sur la même longueur d’ondes sur beaucoup de choses par rapport à notre place sur terre, notre façon d’exister et de contribuer sur notre belle planète. La crise sanitaire particulièrement difficile nous a encore plus ouvert les yeux sur le fait qu’il fallait que les choses évoluent. Nous avions envie de nous rapprocher de la nature, de passer plus de temps à l’extérieur, ce que nous permettait le soin des ruches. C’est comme ça que le projet Battements d’Elles est né.
Afin d’arrêter la spirale d’une société́ qui va au combien trop vite, prendre le temps de s’arrêter devant nos ruches est un moment de pure bonheur et sachez que très vite le calme, le silence s’impose… c’est tellement bon pour nous !
Nos mouvements quand nous intervenons dans nos ruches afin de les observer, sont délicats et au combien en accord avec la nature. Plus rien n’a d’importance…excepté ce moment.
Que représentent les abeilles à vos yeux ?
« Les abeilles représentent pour nous une des espèces les plus importantes pour le maintien de la biodiversité. L’organisation sans faille des abeilles dans une ruche, ou la plus grande partie du boulot est faite par les femelles, est une grande source d’inspiration pour nous. Nos jardins sont devenu des endroits magiques de découverte, tout à fait merveilleux. Des endroits d’échange avec nos enfants, notre famille et nos amis ! Le fait de transmette cet amour de la Terre et des abeilles donne tout son sens à notre nouvelle passion. Nous voulons que nos enfants soient fiers de la trace que nous allons laisser de notre passage sur terre. Observer les abeilles, ce super organisme qui ne fait presque plus qu’un, est tout à fait fascinant : dites-vous que chaque fois que nous ouvrons une ruche, nous avons la chance d’observer plus ou moins 50.000 abeilles. Ce que le monde des abeilles peut nous apporter nous ouvre un monde indescriptible, les émotions sont tellement fortes. »
Est-ce possible de vivre de votre passion ?
« Nous sommes chacune à mi-temps dans un autre travail. Il y a Sophie la sage-femme, qui travaille à mi-temps en milieu hospitalier. Et puis Sophie l’artiste, qui donne des cours de peinture à des adultes. Nous aimerions bien pouvoir en vivre un jour. Mais le but primaire n’est certainement pas de se faire de l’argent ‘sur le dos des abeilles’. Nous voulons rester une petite structure pour garder nos valeurs les plus profondes, travailler avec nos amies les abeilles. Il faut que ça reste un projet d’ordre familial, sans que cela ne devienne la course au profit. Nous travaillons tout de même avec des êtres vivants et nous ne voulons pas tomber dans la surconsommation.
Le but est aussi de sensibiliser les gens à consommer autrement, à poser un regard nouveau sur la nature qui les entoure et plus particulièrement sur les abeilles. »
Quelle charge de travail représente le soin d’une seule ruche ?
« Il faut compter à peu près 1 heure par ruche, deux fois par mois. En fonction de l’endroit où les ruches sont situées, il faut également compter le temps de déplacement. Il y a aussi le travail en amont qui est tout aussi important : l’achat et la préparation du matériel, la ruche, les cadres, le travail de peinture… »
Quels produits fabriquez-vous ? Et pourquoi ceux-là en particulier ?
« Nous ne fabriquons aucun produit issu de la ruche, mais nous récoltons le miel deux fois par an, en prenant soin de laisser suffisamment de matière pour leur propre consommation. Notre but primaire n’étant pas de vendre les produits de la ruche, nous voulons laisser un maximum ce qui appartient aux abeilles, aux abeilles. Le miel, c’est un petit plus pour faire plaisir aux papilles. Le miel est un produit extrêmement bon pour la santé, c’est un antibiotique naturel, il est bon pour notre immunité. Il peut guérir des plaies, il est antibactérien, anti-inflammatoire, antioxydant,…
Ce moment de récolte du miel, que nous avons vécu jusqu’à présent en famille, entre amis, nous émerveille. Ce produit est extraordinaire, avec ses couleurs, son odeur, ce goût, ses nombreuses propriétés. »
Comment reconnaître un miel de qualité ? Existe-t-il des critères auxquels faire attention ? Des labels ?
« Des labels existent, mais pour savoir si un miel est de bonne qualité, il faut le faire tester, et cela coûte de l’argent. Optez plutôt pour l’achat de miel artisanal d’une entreprise locale, provenant directement du producteur. Faites attention aux miels bon marché qui viennent hors de l’UE, ce sont souvent des mélanges de sucre et de miel. Un bon miel coûte cher. En Belgique, il n’y a jamais de zones 100% bio autour d’une ruche, donc il est impossible d’avoir le label bio. On ne peut jamais être sûr à 100% des zones où les abeilles ont été. Le miel des villes est meilleur que celui des campagnes car il y a beaucoup moins de pulvérisation de pesticides dans les jardins que dans les cultures. »
Quels sont les plus grand dangers auxquels sont soumises les abeilles ?
« Les plus grands ennemis actuels des abeilles sont le dérèglement climatique et l’utilisation à grande échelle de pesticides. La présence de plus en plus forte des frelons asiatiques devient également problématique, car comme ils ne font normalement pas partie de notre biodiversité́ ici en Belgique, nos abeilles n’ont pas encore trouvé le moyen de se défendre. Et dernièrement il reste le Varroa. C’est un parasite (pareil à une tique pour les humains) qui peut également très fort affaiblir un essaim d’abeilles. »
En quoi les abeilles sont-elles essentielles dans les défis climatiques auxquels nous devons faire face ?
« Les abeilles sont des animaux extrêmement importants dans la chaine alimentaire. Sans elles, pas de pollinisation. Sans pollinisation il n’y aurait plus de fleurs, de fruits, ni de légumes sur terre et 80% de notre alimentation disparaitrait. »
N’importe qui peut-il se lancer dans l’aventure ? Peut-on simplement installer une ruche dans son jardin ?
« Il faut répondre à certains critères pour pouvoir installer une ruche chez soi. Pour devenir apiculteur·trice, par contre, il faut se former chez un apiculteur·trice agréé·e ou en rucher école — il en existe plusieurs en Belgique — car les abeilles sont des êtres vivants, il y a donc de nombreuses règles à respecter et à connaître avant de se lancer. »
Quel budget prévoir pour se lancer en solo avec un ruche ?
« Il faut compter un peu plus de 1000 euros la première année. La première année est la plus coûteuse car il faut prévoir l’achat du matériel, de l’essaim d’abeilles et de notre entretien. Il faut compter à peu près 600 euros pour les années suivantes. Ce budget comprend notre entretien de votre ruche durant toute l’année, et la récolte de miel deux fois par an. »
Comment trouvez-vous les endroits pour installer les riches ? Quels ont les critères pour que les abeilles se sentent bien ?
« On essaye de trouver des endroits avec le plus de ressources mellifères possible, qui fleurissent également toute la saison durant. Ces endroits doivent aussi être bien ensoleillés. Pour le moment, nous avons à chaque fois été contactées par des personnes qui nous proposaient des endroits intéressants pour installer nos ruches. »
Quelle relation entretenez-vous avec vos abeilles ? Y a-t-il un rapport d’affection qui se tisse au fil du temps ?
« Nous en prenons soin comme on prendrait soin de nos animaux de compagnie, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’animaux sauvages et qu’il faut les traiter en tant que tels. Nous nous attachons d’office à nos abeilles, quand nous faisons nos entretiens, nous essayons de réduire au maximum le stress pour elles, et d’être les plus douces possible.
Il y a un vrai lien sensible entre elles et nous, et d’ailleurs, nous leur parlons quand on visite nos riches. Si nous sommes stressées ou que nos gestes sont trop rapides, elles le ressentent, et commencent à attaquer. Si nous sommes en symbiose avec elles, tout se passe beaucoup mieux. »
Comment aider les abeilles, en tant que particulier, sans forcément se lancer en tant qu’apiculteur·trice ?
« Planter des plantes mellifères qui fleurissent toute la saison, par exemple la lavande, le thym et certains arbres comme les saules, les marronniers, les acacias ou encore les tilleuls. Laisser pousser les mauvaises herbes à certains endroits ; comme les orties, les trèfles et les pissenlits, dont elles raffolent. Aussi, il convient d’éviter les pesticides, engrais et produits chimiques dans votre jardin. Essayez de laisser à certaines périodes, certains endroits de votre jardin sans les tondre, afin que des fleurs puissent y pousser et installez des hôtels à insectes près de ces zones fleuries. »
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